VOLONTAIRES et STAGIAIRES 2016 |
Stagiaires à Leyte
Par les Scouts et Guides de France Compagnons 4L : Amélie Prêtre, Eloïse Peccoux, Estelle Courvoisier et Léa Extier.
Stagiaires à Leyte
Par les Scouts et Guides de France Cap Philippines: Julie Meurin, Guillaume Crozat, Vincent Crozat, Maylis Schwoerer, Jules Derreal, Tanguy Lorphelin et Jacquelin Zuili.
Nous tenions encore à vous remercier pour votre soutien et de votre participation de quelque manière à ce projet, sans vous rien n'aurait été possible. MERCI !! .
Volontaires à Iwahig
Par Benoît Beillet et Jean Delfarguiel.
Lorsqu’avec Jean nous avons décidé de consacrer notre stage de 3ème année d’éducateur spécialisé à l’association Alouette aux Philippines nous n’imaginions pas dans quelle aventure nous nous engagions. Nous avons bien tenté de nous projeter et fréquemment, les mois qui ont précédé notre départ, nous tentions de concevoir quel allait être notre quotidien sur place : l’accueil des professionnels de l’association et des familles, la gastronomie locale, les activités que nous pourrions proposer… en espérant que notre anglais rudimentaire suffirait pour nous faire comprendre. D’autant que notre projet éducatif était ambitieux, il faut bien l’avouer : entrer dans une colonie pénitentiaire afin d’y rencontrer les familles y résidant et renouer des liens entre ces dernières et Alouette pour soutenir la scolarisation des enfants. Waouh, quel challenge ! Nous avons visualisé des documentaires, interpeler des professionnels de l’action humanitaire en milieu carcéral, lu des ouvrages et rédigé un projet.
Mais rien ne permet de se préparer réellement au choc culturel auquel un tel séjour confronte. Je ne parle pas là du dépaysement géographique ou climatique. Évidemment que l’on se sent désorienté lorsque l’on atterrit, après deux jours de voyage, sur un archipel, de l’autre côté de la planète, en pleine période de mousson. Mais c’est la rencontre avec l’autre à laquelle nous n’étions pas et ne pouvions pas nous préparer. Comment se préparer à la capacité et à la force de survie que doivent déployer ces habitants. Nous avons d’abord été accueillis au siège d’Alouette Foundation of the Philippines inc à Manille.
Comme la plupart des mégapoles des pays en voie de développement, Manille connaît un développement accéléré et anarchique, avec les phénomènes inhérents à une grande ville en expansion : services de base insuffisants, aménagements collectifs inadéquats, émergence de bidonvilles spontanés et anarchiques, pollution croissante, déstructuration sociale, mendicité, exclusion sociale d’adultes et d’enfants, prostitution.
Pourtant, aussi bien dans les rues de Manilles que dans les allées de la ferme pénitentiaire d’Iwahig, nous avons constaté une formidable capacité de réaction. Comment des gens exclus par la société et le modèle économique libéral, abîmés physiquement, peuvent-ils faire pour résister ? Il s’agit, selon l’expression de Boris Cyrulnik, de la capacité de « résilience » (*) . La pauvreté est une expérience humaine qui peut anéantir les individus ou au contraire inaugurer des trajectoires inédites. Lorsque nous sommes allés à la rencontre des familles vivant dans l’enceinte de la prison d’Iwahig (sur l’île de Palawan), nous avons d’abord été sidérés par les conditions d’extrême dénuement dans lesquelles elles vivaient (toit de maison éventré, sol boueux, vêtements des enfants en lambeaux, équipement de cuisine rudimentaire ainsi que les impayés de scolarité pour la majorité des familles). Mais nous avons aussi découvert une réelle solidarité au sein de cette communauté. La solidarité est un levier de la résilience.
« Boris Cyrulnik : Qu'elle soit naturelle, individuelle, sociale ou d'entreprise, toute catastrophe engendre chez certaines victimes la volonté, la réaction de repartir. Parmi des populations meurtries par l'éruption de volcans ou des tremblements de terre, celles qui redémarrèrent le plus vite avaient en commun de s'être regroupées, épaulées, soutenues. Cette solidarité constitue l'un des deux mots clés de la résilience ».
Dans l’urgence du quotidien, ces familles s’entraident en partageant le peu qu’elles ont afin qu’aucun ne reste sur le bord de la route. Il en va de l’équilibre de la communauté.
Parce que nous en avions les moyens, nous avons voulu apporter notre soutien. Ces familles nous ont ouvert leur porte. Elles nous ont reçu chez elle avec sourire et dignité. Plutôt que d’intervenir directement financièrement auprès de ces familles, au risque de passer pour des bienfaiteurs argentés occidentaux, nous avons préféré établir un plan de soutien s’appuyant sur les savoirs faire de chacun. L’argent n’a été que l’huile pour graisser les rouages de cette solidarité communautaire : à l’un nous avons acheté du matériel informatique en contrepartie de dessins et aquarelles (matériel informatique qui permettra aux familles de rédiger et adresser des courriers auprès de l’administration le cas échéant), à d’autres des décorations de Noël ou de la volaille que nous avons pu offrir au foyer de jeunes filles de Luzviminda ainsi qu’aux familles les plus démunies.
Un lien a été tissé entre Alouette et les familles d’Iwahig. Notre aventure va faire l’objet d’un livre que nous publierons cette année avec le soutien de notre Institut de formation et qui sera le témoignage de ce combat que mènent les femmes de prisonniers, les enfants et leurs enseignants ainsi que les prisonniers de la colonie pénitentiaire d’Iwahig.
Cette expérience n’est pas finie. Elle n’est, je l’espère, que le prélude à mon nouveau parcours de travailleur social dont la qualité intrinsèque est d’aller à la rencontre de l’autre à condition de pas être dans la toute-puissance du sauveur mais de se décentrer de soi pour mieux accueillir l'Autre.
(*) La résilience est la capacité d’une personne ou d’un groupe à se développer bien, à continuer à se projeter dans l’avenir, en présence d’événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères.
Benoît BEILLET